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Ann. Phys. Fr.
Volume 10, Number 2, 1985
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Page(s) | 101 - 200 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/anphys:01985001002010100 | |
Published online | 01 June 2004 |
Effets de marée : rupture explosive d'étoiles par un trou noir géant
Groupe d'Astrophysique Relativiste, Observatoire de Paris, Section d'Astrophysique, F-92190 Meudon, France
Cet article passe en revue les développements récents dans l'étude du comportement d'un corps en mouvement dans le champ de marée d'une source rigide compacte. Depuis les travaux de pionnier de Roche et de ses successeurs, il est bien connu qu'il existe des figures d'équilibre stationnaire ellipsoïdales pour un corps homogène incompressible en orbite circulaire dont le rayon dépasse une limite critique de Roche, donnée par (M/ρ *)1/3, où M est la masse de la source et ρ * la densité du corps déformé. Quand le corps se déplace dans un champ de marée variable, du moment angulaire et des mouvements internes de vorticité uniforme se développent de façon à maintenir une figure ellipsoïdale. Le sort ultime d'un corps transgressant la limite de Roche peut être élucidé en intégrant les équations du mouvement interne. Le corps est généralement détruit après son passage dans le rayon de Roche, sa forme évoluant vers un cigare indéfiniment long et mince pour une pénétration modeste ou vers un disque indéfiniment plat en cas de pénétration plus grande. Suivant l'idée originale de Carter et Luminet (1982), l'article attire ensuite l'attention sur le fait que la compressibilité du matériel stellaire conduit à un comportement radicalement différent en cas de forte pénétration dans le rayon de Roche, en ce sens que la rupture est précédée d'une brève phase de très forte compression dans une configuration aplatie en crêpe, au cours de laquelle la densité et la température dans le coeur de l'étoile peuvent augmenter assez pour faire détoner une fraction importante du fuel thermonucléaire disponible. On peut s'attendre à des effets semblables lors de collisions directes entre deux étoiles identiques animées d'une vitesse relative dépassant largement la vitesse de libération minimale requise pour la rupture. En ce qui concerne le problème de marée, des estimations quantitatives peuvent être faites dans le cadre d'un modèle d'étoile affine idéalisé, où l'on suppose que les couches de densité constante gardent une forme ellipsoïdale. Le modèle affine, qui inclut la compressibilité et des effets non adiabatiques tels que la génération d'énergie nucléaire et la dissipation visqueuse, est complètement décrit en termes d'une matrice 3 x 3 de déformation, dont l'évolution détermine les variations temporelles des axes principaux de l'ellipsoïde et des composantes du vecteur de vitesse angulaire et du vecteur de vorticité. On rappelle comment la plupart des propriétés mécaniques bien connues des modèles incompressibles peuvent se généraliser au modèle affine compressible. L'application du modèle affine au problème d'une étoile plongeant profondément dans le rayon de Roche d'un trou noir géant permet d'évaluer les quantités physiques extrêmales telles que densité, température, etc... dans la configuration en crêpe, en fonction du facteur de pénétration. Les calculs analytiques et numériques mènent à la conclusion que le noyau d'une étoile ordinaire de la séquence principale pénétrant d'un facteur ∼ 15 subit une compression et un chauffage à environ 10^6 g/cm3 et 10^9 K pendant 1 seconde lors du passage au périastre. Lorsque le champ gravitationnel extérieur est décrit dans le cadre de la Relativité Générale en termes de la géométrie spatio-temporelle de Schwarzschild, des effets de compressions multiples se produisent en maintes circonstances. Les phénomènes spectaculaires provenant de la détonation nucléaire de certains éléments de l'étoile sont ensuite passés en revue, depuis la capture accélérée de protons par les éléments de masse intermédiaire jusqu'à la plus rare, mais beaucoup plus énergétique, combustion explosive de l'hélium. Par l'effet de fronde bien connu, le gaz stellaire peut être finalement éjecté avec des vitesses de plusieurs milliers de km/s et échapper définitivement au puits gravitationnel du trou noir. Il est couramment accepté que les phénomènes très énergétiques dans les noyaux de galaxies peuvent s'expliquer par l'accrétion de gaz sur un trou noir géant, le gaz nécessaire étant vraisemblablement produit lors de la rupture d'étoiles par effet de marée ou par collision interstellaire à grande vitesse au voisinage du trou noir. On peut donc espérer que le mécanisme de rupture explosive d'une étoile jette quelques lueurs nouvelles sur l'évolution générale des noyaux galactiques. Il propose de plus un site astrophysique nouveau, riche en hydrogène, pour la nuclésynthèse des isotopes lourds.
Abstract
This article reviews recent developments in the study of the behaviour of bodies moving in the tidal field of a rigid compact source. Since the pioneering works of Roche and his successors, it is well-known that stationary ellipsoïdal figures of equilibrium exist for homogeneous incompressible bodies in circular orbits with radius greater than a critical Roche limit given by (M/ρ*) 1/3, where M is the mass of the source and ρ* the density of the deformed body. When the body moves in a variable tidal field, spin angular momentum and internal motions of uniform vorticity develop so as to maintain an ellipsoïdal shape. The ultimate fate of a body transgressing the Roche limit can be elucidated by integration of complete internal equations of motion. The body is generally disrupted after its passage within the Roche radius, its shape evolving towards an indefinitely thin elongated cigar for moderate penetrations or an indefinitely thin disk when the penetration was higher. Following the original idea of Carter and Luminet (1982), the article draws next attention to the fact that allowance for compressibility of the stellar material leads to drastically different behaviour in case of deep penetration within the Roche radius, in the sense that the disruption is preceded by a short-lived phase of high compression to a pancake configuration in which the density and the temperature of the core of the star may rise enough to detonate some significant fraction of the available thermonuclear fuel. Similar effects are expected to occur in a head-on collision between two identical stars with relative velocity largely in excess of the minimum escape velocity required for disruption. Concerning the tidal problem, quantitative estimates can be made within the framework of an idealized affine star model assuming that layers of constant density keep an ellipsoïdal shape. The affine model, which includes compressibility and non adiabatic effects such as thermonuclear energy release and viscous dissipation, is completely describable in terms of a 3 x 3 deformation matrix, whose evolution determines time variations of the principal axes of the ellipsoïdal configuration as well as components of its angular velocity vector and of its vorticity vector. It is recalled how many of the well-known mechanical properties of the incompressible models can be generalized to affine compressible models. Application of the affine model to the problem of deep penetration of a star within the Roche radius of a giant black hole allows to evaluate extremal physical quantities such as density, temperature, etc... attained in the pancake configuration in terms of the penetration factor. Analytical and numerical calculations lead to the conclusion that the main bulk of an ordinary main sequence star penetrating by a factor ∼ 15 will suffer compression and heating at 10^6 g/cm3 and 10^9 K within 1 second around the passage at periastron. When the external gravitational field is described in the background of General Relativity in terms of the Schwarzschild spacetime geometry, multi-pancake compressions are shown to occur in many circumstances. Spectacular phenomena arising from nuclear detonation of some elements of the star are next reviewed, from accelerated proton capture by intermediate mass elements to the rarer but much more energetic explosive helium burning. By the well-known slingshot effect, the stellar gas can ultimately be ejected with velocities of several thousands km/s and definitively escape to the black hole gravitational potential well. It is commonly believed that very energetic phenomena in galactic nuclei may be explained by accretion of gas onto a giant black hole, a likely mechanism for providing the gas being the breakup of stars either by the Roche tidal effect or by high-velocity interstellar collisions in the vicinity of a massive black hole. It is thus hoped that the mechanism of explosive disruption of a star can shed new lights on the general evolution of galactic nuclei. Furthermore it provides a new, proton-rich astrophysical site for nucleosynthesis of heavy isotopes.
PACS : 9710C – Stellar interiors, evolution, nucleosynthesis, and ages / 9760L – Black holes / 9790 – Other topics in stellar astronomy / 9850E – Galactic structure, content and morphology / 9850R – Active and peculiar galaxies
Key words: black holes / galactic nuclei / stars / stellar evolution / stellar internal processes / stellar models / stars explosive disruption / stellar evolution / H detonation / He detonation / explosive nucleosynthesis / tidal disruption / high velocity gas ejection / nonadiabatic effects / stellar compression factor / giant black hole / tidal field / compact object / deep penetration / Roche radius / idealised affine stellar model / compressibility / thermonuclear energy release / viscous dissipation / density / temperature / stellar interior / penetration factor / main sequence star / heating / periastron passage / nuclear detonation / compression phase / active galactic nuclei
© EDP Sciences, 1985