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Ann. Phys. Fr.
Volume 24, Number 1, 1999
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Page(s) | 1 - 126 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/anphys:199901001 | |
Published online | 15 January 1999 |
Le contenu baryonique de l'univers révélé par les raies d'absorption dans le spectre des quasars
The baryons in the universe from quasar absorption line systems
1
Institut d'Astrophysique de Paris, CNRS, 98 bis boulevard Arago,
75014 Paris, France
2
DAEC, Observatoire de Paris, 5 place Jules Janssen, 92195 Meudon
Cedex, France.
Même si des progrès considérables ont été faits ces dernières années
dans l'observation d'objets à grand décalage spectral, ceux qui sont
détectés par leur émission sont issus d'une population d'émetteurs
puissants. Au contraire, n'importe quel objet aussi anodin qu'une
galaxie normale ou un nuage intergalactique, se trouvant interposé
entre nous et un quasar de grand décalage spectral, engendre une
absorption dans le spectre du quasar. Ainsi, les raies d'absorption
dans le spectre des quasars permettent de sonder l'univers sur toute
la ligne de visée de notre époque (z=0) jusqu'au décalage spectral du
plus éloigné des quasars (actuellement z=4,897).
Les systèmes d'absorption sont généralement classés en trois
catégories.
(1) Les systèmes contenant des éléments lourds (différents de
l'hydrogène et l'hélium) pour lesquels des raies de nombreux
ions peuvent être détectées, de C à
C
ou de O
à O
.
Parmi ceux-ci, les systèmes optiquement épais à la limite de
Lyman sont souvent associés à des galaxies que l'on détecte
facilement jusqu'à des décalages spectraux de l'ordre de
.
Les systèmes plus rares possédant une très forte densité de
colonne (N(H
) > 2
),
que l'on appelle les systèmes lorentziens sont, à grand
décalage spectral,
probablement associés à des disques proto-galactiques.
(2) Les systèmes de la forêt Lyman α sont très nombreux et ne
contiennent que très peu d'éléments lourds. Ils sont associés à
du gaz remplissant le milieu intergalactique. Les
caractéristiques physiques des raies (paramètre Doppler,
densité de colonne, regroupement) sont dérivées à partir de la
modélisation de leur profil. Cela ne peut se faire que sur des
données de très bonne qualité qu'il est difficile d'obtenir sur
les télescopes de la classe des 4m. En utilisant des lignes de
visée proches (images gravitationnelles multiples de quasars ;
groupes de quasars rapprochés dans le ciel), on peut évaluer la
dimension transversale des nuages qui se révèle être
étonnamment grande, de l'ordre de 500 kpc. L'idée que le gaz
puisse tracer le potentiel de la matière noire et se répartir le
long des structures filamentaires dessinées par celle-ci a été
approfondie avec succès grâce à des simulations N-corps
récentes. La perspective est ouverte de pouvoir étudier
l'évolution cosmologique des grandes structures de l'univers
en cartographiant la matière baryonique diffuse.
(3) Les systèmes à raies larges (BAL) sont caractérisés par des
absorptions s'étendant sur plusieurs dizaines de milliers de
kilomètres par seconde. Il s'agit certainement de gaz éjecté par
le quasar, qui pourrait faire partie de la région qui émet les
raies en émission larges, caractéristiques du spectre des
quasars. Ces systèmes sont des sources d'information unique
sur les noyaux actifs de galaxie.
La quantité d'information déduite des études des systèmes de raies
d'absorption dans le spectre des quasars a augmenté de façon
considérable ces dernières années. Ceci est dû à l'amélioration de la
sensibilité instrumentale et donc de la résolution spectrale des
observations, mais aussi à l'élargissement du domaine spectral qu'il
est possible d'observer. Ces progrès ont été accompagnés par le
développement de simulations numériques détaillées qui ont permis
l'émergence d'un modèle cohérent dans lequel le milieu
intergalactique est le réservoir de gaz pour la formation des
galaxies. Cette dernière en retour influence l'évolution du milieu
intergalactique à travers l'éjection des éléments lourds et l'émission
de rayonnements ionisants.
Un des projets les plus prometteurs de ces prochaines années est de
cartographier la distribution spatiale du gaz à grand décalage
spectral. Les grands relevés de quasars, maintenant planifiés, vont
permettre d'augmenter de façon considérable le nombre de quasars
brillants connus qui seront utilisés pour révéler, grâce aux
absorptions produites par le gaz, les grandes structures de l'univers.
Quelques champs vont être étudiés plus en détail, dans lesquels les
quasars seront recherchés jusqu'aux plus faibles luminosités. Si une
centaine de lignes de visée peuvent être observées dans un degré
carré, le champ de densité de la matière pourrait être reconstruit.
C'est un moyen unique d'étudier comment la formation des galaxies
est liée à la distribution et la dynamique du gaz dans le milieu
intergalactique.
Abstract
.
Although steady progress is made towards detecting faint objects in
emission, the high-redshift objects detected this way up to now are
drawn from a particular population of powerful emitters. On the
contrary, any standard object such as normal galaxies or
intergalactic gaseous clouds close enough to the line of sight to high
redshift quasars may be detectable by the absorption that it produces
in the spectrum of the background quasar. The complete range of
redshift is accessible from zero to the highest QSO redshift z=4.897.
Absorption line systems observed in QSO spectra are generally
classified into three categories.
(1) The metal-line systems in which a large number of elements,
in different ionization stages, is observed, from C to
C
or O
to O
. The
Lyman limit systems (LLS) are optically thick at the H
Lyman limit (912 Å) and have therefore H
column
densities N(H
) > 2
. They
are closely related, at any redshift, to galaxies. The latter have
been detected by direct imaging and follow-up spectroscopy at low
and intermediate redshift. Studying their number density and
physical properties (kinematics, ionization state, abundances)
is then a unique tool to trace galaxy formation. Among these
systems, the rare damped systems, characterized by a very
large H I column density (N(H
) >
2
) are often considered to be associated
with galactic or proto-galactic disks.
(2) The hydrogen Ly α lines with no or very few metals detected
at the same redshift, are of intergalactic origin at high redshift
but could somehow be associated with galaxies at low
redshift. Information about these systems (column density,
Doppler parameter, kinematics, clustering) is derived from
line-profile fitting. The latter requires high-resolution
high-quality spectra that are difficult to obtain on 4m-class
telescopes. Recent studies of absorptions coincident in redshift
in the spectra of gravitationally lensed QSO images or QSO
pairs have shown that the mean radius of the absorbers
perpendicular to the line of sight is surprizingly large (up to
500 kpc). The idea that the Ly gas could trace the potential
wells of dark matter and thus reveal its characteristical
filamentary structure has been successfully investigated using
N-body simulations. This has opened the prospect to study the
cosmological evolution of the spatial distribution of the
diffuse baryonic matter.
(3) The broad absorption line (BAL) systems are characterized by
impressive absorption troughs from different ions of low and
high excitation, extending from 0 up to 60000 km s-1 outflow
velocity relative to the QSO emission redshift. It is widely
accepted that the gas is very close to the centre of the QSO
host-galaxy and may be part of the broad emission line
region. These systems are intimately related to the AGN
phenomenon which is an important ingredient of galaxy
formation.
The amount of information derived from studies of QSO absorption
line systems has increased tremendously in the last few years. This
largely results from improvement of instrumental sensitivity, and
spectral resolution and extension of the accessible wavelength range.
Coupled with the development of sophisticated N-body simulations,
this progress has favored the emergence of a consistent picture in
which not only the intergalactic medium is the baryonic reservoir
for galaxy formation but also galaxy formation strongly influences
the evolution of the intergalactic medium through metal enrichment
and ionizing radiation emission.
One of the most exciting and promizing projects for the next few
years may be to probe the 3D spatial distribution of the diffuse gas
at high redshift. A number of large surveys are underway or planed,
which will provide a large number of bright (m
<19) quasars for
investigation of large scales. A few small fields will be searched for
deeper samples of quasars (m
<23). If a hundred of lines of sight
can be observed in one square degree, the probability distribution
function of the matter density could be investigated at high redshift.
This would be a unique way to study how galaxy formation is
related to the distribution and dynamics of the underlying matter
field.
© EDP Sciences, 1999